Reportage/Lutte anti-tabac/La cigarette, un tueur silencieux ignoré par les apprentis gbakas

San Aubin

Lundi 28 septembre. Il est 8heures. Adjamé-Liberté grouille de monde. La circulation est dense, dans tous les sens. Des mini-cars ‘’Gbakas’’  assurant les liaisons Abobo-Adjamé ; Yopougon-Adjamé ; Cocody-Adjamé ; Treichville-Adjamé, (dans les deux sens),  font descendre leurs passagers pour certains, chargent pour d’autres. Des apprentis courent dans tous les sens à la recherche de passagers.
Devant les locaux de la compagnie Ivoirienne d’électricité (CEI) d’Adjamé-Liberté, des vendeurs  et vendeuses d’articles divers proposent  leurs marchandises  aux passants. Tout cela dans un vacarme   indescriptible ou voitures et piétons se disputent le passage.  A l’entrée du pont, six apprentis « gbakas », assis sur le béton de protection ou de séparation, échangent… Deux parmi eux tiennent entre les deux des cigarettes qu’ils fument tout dégageant avec joie, la fumée dans la nature.  A peine quelques coups de cigarettes fumés qu’un apprenti de « gbaka », descendu de son mini-car, se dirige vers l’un des apprentis installé sur le béton de protection. « Oussou, laisse-moi tirer un coup de ta cigarette », lui supplie-t-il. Sans hésiter, celui-ci lui tend le mégot. A-tire-d’aile, le demandeur tire plusieurs coups et cède par la suite  le tiers de la cigarette au propriétaire. Puis, il se dirige vers une vendeuse pour ensuite demander deux sachets d’eau et rejoint ensuite sa voiture où quelques usagers l’attendent  pour leurs monnaies. Après quoi, l’apprenti retourne chez la vendeuse d’eau glacée cette fois pour acheter de la cigarette. «  Donne moi quatre cigarettes… , » indique le jeune, la vingtaine à peine. Après avoir  allumé une cigarette, il se dirige vers son conducteur et lui tend la cigarette allumée.

L’un des apprentis fumeurs approché, a du mal à dire ce qu’il tire de positif dans la cigarette. Adama est apprenti de « gbaka » depuis cinq ans. Environ trente ans, il soutient tirer d’énormes avantages dans la cigarette. « Quand je ne fume pas le matin,  je ressens un manque dans mon organisme. La cigarette m’apporte  de la chaleur, la force, un plaisir », se défend-t-il fièrement. Isidore, également apprenti « Gbaka », soutient lui que la cigarette constitue un soulagement. Cependant, il ne nie pas les dangers que représente le tabac pour l’organisme. « Par deux fois, j’ai eu un problème au niveau des poumons. Lorsque je me suis rendu à l’hôpital, les médecins m’ont déconseillé la cigarette. C’est-à-dire le tabac et la boisson. J’ai arrêté la boisson mais pour ce qui est de la cigarette, c’est difficile. Par deux fois, j’ai arrêté durant deux mois avant de reprendre. Ce n’est pas facile quand on est dans un milieu où il y a beaucoup qui fument, ce n’est pas facile d’abandonner la cigarette », lâche notre interlocuteur, les doigts noircis par la fumée de la cigarette. Avant que nous prenions congé de lui, il se dirige vers la vendeuse et, sous nos yeux, il  achète une cigarette qu’il fume à cœur joie. «  Je tire du plaisir dans ça », nous dit-il.

Vendeuse d’eau glacée et de cigarettes, Aïcha affirme vendre la cigarette depuis plus de cinq ans aux abords du pont d’Adjamé-Liberté. « C’est le commerce d’eau glacée et de la cigarette qui me fait vivre. Mon copain est un conducteur de « gbaka ». Nous nous sommes connu ici à la gare. Lui aussi fume. La cigarette est devenu pour de nombreux apprentis et conducteurs de « Gbakas » une chose  difficile de s’en passer. De toutes les façons, le fait de fumer nous permet d’avoir de l’argent », se réjouit-elle. Pour ce qui est du danger que représente le tabac, Aïcha dit ne rien savoir. « Certains fumeurs toussent beaucoup. Ils mangent peu. Je pense qu’on ne peut pas interdire la cigarette. Sans la cigarette qu’aurions-nous comme activité génératrice de revenus ? Il faut demander aux fumeurs de faire un peu attention », conseille la vendeuse.
S’il faut dénoncer l’usage abusif du tabac et l’alcoolisme chez les élèves, la lutte anti tabac doit l’être  intensifier dans le milieu du transport, notamment chez les apprentis de gbakas, les gnambros et  autres. Nombreux parmi ces fumeurs ignorent les dangers auxquels ils s’exposent en consommant abusivement le tabac ou en fumant

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