Côte d’Ivoire-1960-1993 (ACTE 1)/Les grandes dates qui ont marqué l’histoire de la Côte d’Ivoire

1960 : L’indépendance et l’accession au pouvoir de Félix Houphouët-Boigny

Il y a 62 ans, lorsque le pays accède à l’indépendance politique. Un homme incarne à lui seul l’histoire de cette nouvelle Côte d’Ivoire qui recouvre une moitié de sa souveraineté. Lui, c’est Felix Houphouët-Boigny.  À 55 ans à l’époque, c’est lui qui hérite de ce pays de l’Afrique-Occidentale française (AOF), devenu colonie de l’Hexagone en 1893. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, cet ancien médecin formé à Dakar s’est imposé sur la scène politique locale. En 1944, il a fondé le Syndicat agricole africain (SAA) pour défendre les droits des planteurs de cacao et de café. Lui-même propriétaire de l’une des plus grandes exploitations du pays, qu’il a héritée de son oncle maternel, Félix Houphouët, qui ajoute à son patronyme « Boigny », « Bélier en baoulé ». Mais les dix premières années de sa gouvernance sont marquées par des soubresauts sociopolitiques.

 

1963 : l’affaire du plus grand -complot du 20e siècle

La première situation sociopolitique à laquelle fait face l’homme fort de la première République, c’est l’affaire du complot de 1963. Dans cette affaire, un homme est la cible du pouvoir.  Il s’agit de feu Jean-Baptiste Mockey.  Ses amis et lui sont accusés de vouloir renverser le régime du président Houphouët-Boigny.  Voici un extrait de la déclaration du procureur de la République de cette époque.   « De l’esprit des conjurés et de l’aspect de leurs activités, au-delà de l’analyse des faits imputables à chacun, il apparaît une résolution sans équivoque : celle de renverser le gouvernement constitutionnel ivoirien par de voies illégales, par la violence, par une insurrection armée, d’exciter les citoyens à la guerre civile, d’assassiner le président de la République, d’instaurer en Côte-d’Ivoire un régime d’obédience communiste ». Des propos sont même attribués à Jean-Baptiste Mockey : « Nous avons voulu renverser le gouvernement afin de réaliser une politique essentiellement, fondamentalement, radicalement différente de celle pratiquée. »

 

1964 : Arrestation et mort de Ernest Boka

 

Parmi les grandes affaires sales qui secouent les premières années de la nouvelle République, figure en bonne Place, l’arrestation et l’emprisonnement de Ernest Boka. Accusé d’être impliqué dans le pseudo-complot de janvier 1963, Ernest Boka doit démissionner de son poste mais il n’est pas incarcéré. Il fait même partie de la délégation ivoirienne à la dix-huitième session de l’Assemblée générale de l’ONU. Mais avec le harcèlement qu’il subit, il démissionne de la présidence de la Cour Suprême pour protester contre ce qu’il qualifie d’arbitraire dans le cadre du complot que l’on impute à ses camarades. Il refuse alors de juger Charles Bauza Donwahi, Jean-Konan Banny, Samba Diarra. Arrêté le 2 avril 1964 et placé à la prison d’Assabou (Yamoussoukro), le 6 du même mois il est retrouvé pendu. Les autorités du pays annoncent que c’est un suicide parce qu’ils l’auraient retrouvé attaché avec son pantalon de pyjama à la conduite de sa douche. Le 14 avril, le président Houphouët-Boigny annonce publiquement sa mort, et lit le document que Ernest Boka aurait laissé dans lequel il se décrit sous les traits « d’un ambitieux et d’un voleur et révèle qu’après avoir consulté un marabout qui lui avait prédit les plus hautes destinées, notamment d’atteindre au pouvoir suprême de l’Etat, il n’avait cessé de comploter pour réaliser cette prédiction ». Le chef de l’Etat révèle par la même occasion qu’un serveur du palais devait verser du poison dans ses aliments et que plusieurs valises de fétiches et flacons de philtres avaient été retrouvés dans les affaires d’Ernest Boka, dont deux cercueils miniatures renfermant chacun une photo de M. Houphouët-Boigny et devant, après certaines incantations, provoquer la mort de ce dernier.

 

 

1967-1970 : L’histoire de Kragbé Gnagbé et de la révolte du peuple Guébié

 

L’autre affaire qui secoue aussi les dix premières années du règne de Félix Houphouët-Boigny, c’est celle liée aux massacres du peuple Guébié. C’est qu’en 1970, un jeune étudiant de la région de Gagnoa du nom de Kragbé Gnagbé engage une lutte pour la démocratie en exigeant l’application de la constitution du 3 novembre 1963 qui reconnait le multipartisme. Mais le pouvoir y voit une manifestation d’idées subversives. Pour Houphouët-Boigny et ses hommes, c’est une rébellion qui ne dit pas son nom qui est en train de naître dans cette partie de la région de Gagnoa dont Maurice Kakou Guikahué, l’actuel secrétaire Exécutif du PDCI   est originaire. Cette exigence avait également pour but, selon certaines sources, de diversifier la coopération entre la Côte d’Ivoire et les autres pays du monde pour mettre fin au monopole de la France sur les ressources du pays. Mais qui est ce jeune homme qui trouble tant le sommeil du premier président ivoirien ? Voici le témoignage d’un sachant. « C’est en juillet 1935 que Kragbé Gnagbé voit le jour à Sassandra ville historique où son père Gnagbé François travaillait au service de l’administration coloniale. Mais il faut préciser que Kragba Dogba François (vrai nom du père de Kragbé Gnagbé), fils de Zogoua Kragba Opadjélé est natif de Gaba village de la sous-préfecture de Gagnoa dans le canton Guébié.  Pour ceux qui ne le sauraient pas, le peuple Guébié est un sous-groupe ethnique Bété originaire de Côte d’Ivoire. Il est établi dans les régions de Lakota et de Gagnoa. Son nom de combattant était également Gnagoua Abi, véritable bagarreur de son temps. Il était toujours vainqueur au bord du fleuve Sassandra où la lutte était véritablement installée dans le sable blanc. C’est tout jeune qu’à la recherche du bien-être, Kragba Dogba François ou Kragba Gnagouo François s’installe à Sassandra.

La culture néo va influencer son nom qui deviendra Kragbé Gnagbé en lieu et place de Kragba Gnagouo. Voici donc le père qui se marie selon la tradition du canton Guébié à Wiho Christine originaire de Diagnoa, un autre village proche du village de Gaba toujours dans le canton Guébié.

A Fresco d’Abord et à Sassandra ensuite où le couple s’installe, va naître Kragbé Gnagbé Madeleine, puis Kragbé Gnagbé Jean Christophe. Ce garçon, véritable turbulent portait le nom de son grand père Zogouo Kragba Opadjlè.

C’était un véritable guerrier du village de Gaba. Il avait combattu durant toute sa vie avec sa lance qui n’avait aucune pitié pour les ennemies. Des guerres qui tournaient autour des terres à conquérir. D’où le surnom de OPADJLE. Voulait-il vraiment faire du mal à la Côte d’Ivoire ? Tous les sachants répondent par la négative en précisant que l’homme ne voulait simplement que l’application de la constitution pour la création de sa formation politique dénommée le Parti National Africain (PANA). La répression de ce mouvement, selon les chiffres officiels, aurait fait 4000 morts dans le Guébié.

 

1982- 1983 : Affaire LOGEMAD et les crises estudiantines

 

La deuxième décennie de la gouvernance du Bélier de Yamoussoukro n’est pas aussi tranquille. Elle est marquée, à l’instar de la première, par des crises sociopolitiques des plus spectaculaires. Parmi ces crises, les différentes grèves des enseignants du supérieur et le scandale lié à l’affaire de la LOGEMAD. Tout commence par les enseignants qui revendiquent de meilleures conditions de travail et de vie. Le pouvoir qui n’entend pas les choses d’une bonne oreille enclenche la répression. Ce qui va faire fuir certains enseignants du pays. L’autre affaire qui fait également couler beaucoup d’encre et de salive et qui ébranle le régime, c’est le scandale financier de la LOGEMAD. C’est en 1983 que les Ivoiriens découvrent la face hideuse de cette structure qui sert de caisse noire à certaines personnalités du pays. Chargée de reverser les loyers aux propriétaires des logements habités par les fonctionnaires, la LOGEMAD, cet organisme de l’Etat ivoirien n’a d’yeux que pour les hauts dignitaires tapis au sommet de l’Etat et à qui profite les baux administratifs. Ce sont eux qui fixent les prix des baux alors qu’ils sont les propriétaires des logements baillés à l’Etat. Un comportement qui fait subir à la Côte d’Ivoire des préjudices énormes estimés à l’époque à plusieurs centaines de milliards. La même année sera également marquée par le transfert de la capitale à Yamoussoukro. Un transfert controversé qui va provoquer des réactions mitigées au sein de la classe politique ivoirienne.

 

1986 : construction de la Basilique de Yamoussoukro 

Voici une année qui aurait pu être considérée comme celle de la grande bénédiction si elle n’avait pas précédé les périodes sombres des scandales. Parce que c’est en cette année que l’on achève la construction de la Basilique de Yamoussoukro. Basilique dont le pape Jean Paul II célèbre la consécration devant plusieurs personnalités du monde de la religion. Même si la polémique par rapport à la nécessité de la construction d’une telle œuvre dans un pays pauvre bat son plein, les concepteurs du projet restent sereins et poursuivent tranquillement leur travail.

 

1990 :  Houphouët-Boigny accepte le multipartisme

 

L’année 1990 marque un tournant décisif de la jeune histoire de Côte d’Ivoire. Alors qu’il est en difficulté face à son vieil ami de longue date François Mitterrand, président de la République française de cette époque, Houphouët-Boigny est confronté sur le plan national à la fronde populaire. Leaders syndicaux, société civile et mouvements politiques battent chaque jour que Dieu fait le pavé à Abidjan. Le système éducatif est fortement ébranlé avec les contestations estudiantines qui dérangent le régime. Une année blanche est même décrétée par les autorités qui pensent en profiter pour avoir un répit.

 

 

 

Les mesures impopulaires imposées au pays par les institutions financières de Breton Woods via son nouveau champion nommé entre temps président du comité interministériel, sont rejetées par les populations ivoiriennes. Il s’agit d’abord de la suppression de la bourse aux élèves et étudiants de Côte d’Ivoire, la suppression du BAC probatoire pour les élèves des classes de premières, des internats et de l’instauration des salaires à double vitesse au niveau de l’enseignement. Jamais, depuis 1960, le « vieux » n’avait été l’objet d’une contestation populaire aussi grandiose. Le dos au mur, il se voit contraint d’accepter le multipartisme. Dans la même année, il organise la première élection présidentielle de l’histoire de la Côte d’Ivoire avec deux candidats. Il est en face d’un certain Laurent Gbagbo, leader de l’opposition qu’il surclasse avec un score à la soviétique grâce à la technologie électorale du parti au pouvoir. Dans la même année, la configuration de l’Assemblée nationale change. Désormais deux groupes parlementaires d’obédience différentes s’y affrontent. Ceux du FPI et du PDCI. Si les Ivoiriens peuvent se réjouir de ce changement de paradigme politique au sein de l’hémicycle, la dictature silencieuse du parti au pouvoir continue de faire parler d’elle de la façon la plus triste.

Février 1992 : arrestation de Gbagbo et de son épouse Simone Ehivet

En février 1992, c’est l’arrestation de Laurent Gbagbo et de sa famille qui retient l’attention des Ivoiriens et celle de la communauté internationale. Dans sa logique de défendre les intérêts des plus faibles du pays, le parti de Laurent Gbagbo s’inscrit dans la logique de dénonciations publiques des dérapages du président Houphouet-Boigny.C’est dans cette logique que son parti et lui engagent une lutte de protestation contre la terreur qui s’abat sur les étudiants de Côte d’Ivoire. La preuve, c’est que le 18 février 1992, son parti organise une marche de protestation non seulement contre l’incarcération de Martial Ahipaud, SG de la Fesci mais aussi contre la décision de Félix Houphouët-Boigny de ne pas punir les auteurs de la descente musclée des militaires à la cité universitaire de Yopougon Toit-Rouges en mai 1991. Une descente musclée qui fait de nombreux blessés et de nombreux disparus au niveau des étudiants.  Mais il est arrêté avec son épouse Simone Ehivet et son fils Michel Gbagbo.  Toute la famille du député de Ouragahio est ainsi neutralisée durant quelques mois. Félix Houphouët-Boigny, dont l’état de santé se dégrade, suit la situation de loin. Le président fait de nombreux allers-retours entre la Côte d’Ivoire, la France et la Suisse, où il se fait soigner. De retour au pays, Houphouët fait libérer tous les leaders de l’opposition emprisonnés sur ordre du Premier Ministre Alassane Ouattara qui affirme à la télévision nationale avoir vu Laurent Gbagbo cassé. Le secrétaire général du FPI et des autres membres de l’opposition sont arrêtés et emprisonnés suite à la loi prise au soir de leur arrestation. La loi anti-casse. Bien avant cet épisode politique, dans la même année, la Côte d’Ivoire remporte pour la première fois la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) devant le Ghana à Dakar. Ce qui met un peu de baume dans les cœurs des Ivoiriens.

1993 : La mort du président Houphouët

Le deuxième bouleversement de la scène politique ivoirienne après celui de 1990 intervient en 1993 avec la mort du premier président de la République de Côte d’Ivoire. Le 7 décembre, alors que les Ivoiriens s’apprêtent à célébrer la fête de l’indépendance dans la ferveur, ils sont surpris par une nouvelle consternante. Celle de la mort du bélier de Yamoussoukro. Les dissidents du PDCI qui n’attendaient que cette occasion, en profitent pour semer le désordre. Ils refusent l’application de la constitution en vigueur qui confère la succession au président de l’Assemblée Nationale. La bataille qui s’engage pour la succession est remportée par le camp de la légalité dont le leader est Henri Konan Bédié, le président en exercice de l’Assemblée nationale. Si le sphinx Daoukro savoure sa victoire face à ses adversaires du PDCI, sa gouvernance est émaillée de difficultés politiques du fait de certains arrivistes qui n’attendaient que la mort d’Houphouët-Boigny pour se faire de la place au soleil. Pour ces hommes, l’heure de la rénovation a grandement sonné et il faut aller vite. Voici ce qu’écrit le professeur Lemassou Fofana par rapport à la succession d’Houphouët-Boigny, dans son œuvre intitulée « COTE D’IVOIRE : LA GRANDE MARCHE DU RDR » à la page 37. « Dans la société manding, le roi ou le souverain est désigné par deux vocables fondamentaux, Mansa et Fama. Le Mansa est le souverain dont la légitimité repose sur la succession de père en fils. Son accession au pouvoir s’inscrit dans une tradition constitutionnelle sans aucune référence préalable à la valeur intrinsèque. Quant au Fama, sa légitimité est tirée de la force (FANGA). Il prend le pouvoir sans être forcément héritier légitime, grâce à son audace ou à ses capacités personnelles. Il impose son autorité par sa capacité à gérer la cité et très rapidement, il est coopté par l’élite politique comme le chef légitime de la communauté. Pour en arriver à ce statut, l’impétrant au FAMAYA est obligé de rassurer le peuple par la réalisation de grands projets pour la société globale. Il est ainsi accueilli comme un héros civilisateur, qui permet à son peuple de passer d’une ère à une autre dans la gloire et la prospérité », écrit-il pour justifier, dès la prise du pouvoir par Alassane Ouattara, en avril 2011, cette guerre de succession déclarée à Henri Konan Bédié et le PDCI en 1993.

 

In Le Nouveau  Regard

 

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