Côte d’Ivoire-Abidjan-Après les recommandations du dialogue politique/Alassane Ouattara en difficulté
04 mars-24 mai 2022. Exactement 81 jours que le gouvernement Alassane Ouattara, les partis politiques et des organisations de la société civile paraphaient le rapport final de la phase 5 du dialogue politique. Ce dialogue initié par le gouvernement à la demande de l’opposition politique visait à tout mettre en œuvre pour une réconciliation vraie et une paix durable et définitive en Côte d’Ivoire. Avec l’avènement d’Alassane Ouattara au pouvoir en mai 2011, nombreux sont les partis politiques qui connaissent ou ont connu une division interne (FPI, MFA, Lider, RDP, PDCI,UDPCI, PIT, …) par la volonté du régime RHDP. La division des Ivoiriens née de la crise postélectorale et tous ce qui s’en est suivi, notamment les tueries, l’exil, le renvoi de leur travail de certaines personnes supposées proches de l’ancien régime, l’occupation des maisons par des individus qui n’en sont pas les vrais propriétaires, les violences, le gels des avoirs de plusieurs personnes soupçonnées être des partisans de Laurent Gbagbo, les emprisonnements depuis 2011 pour les uns (Dogbo Blé, Kipré Yagba, Vagba Faussigno,…) favorables à l’anciens président Laurent Gbagbo, un peu moins pour d’autres sont des faits qui justifient que l’entente, la réconciliation est encore loin d’être une réalité, que les Ivoiriens se regardent parfois en chien de faïence. Les méchancetés observées durant la désobéissance civile lancée par l’opposition politique et les affrontements entre les populations dans plusieurs localités du pays montrent que la paix est encore fragile. Conscient de ce que les crises répétées que la Côte d’Ivoire a connu ont causé de nombreux morts et endeuillé des milliers de familles, les acteurs politiques ont souvent réclamé au président Ouattara et à son gouvernement, un dialogue avec la classe politique. Après la rupture du président du PDCI avec le RHDP les deux alliés avaient renoué le 11 novembre 2020 au Golf hôtel avec le dialogue.
Les propositions de Bédié et de Gbagbo
Lors des échanges, Henri Konan Bédié a demandé au chef de l’Etat, l’arrêt des poursuites judiciaires contre les leaders et militants de l’opposition, l’arrêt des violences dont sont victimes les militants de l’opposition. A la suite de la libération de certains acteurs politique dont l’ex-Première Dame Simone Gbagbo, le 8 août 2018, le président Bédié avait demandé au Président Ouattara que l’ordonnance d’amnistie qu’il avait prise pour libérer l’ex-député d’Abobo soit renvoyée au parlement pour être commué en loi d’amnistie. Lorsque le président Alassane Ouattara recevait son prédécesseur, Laurent Gbagbo au Palais de la présidence après son retour au pays suite à son acquittement par la CPI, le Woody avait plaidé pour la libération de tous les détenus civils et militaires incarcérés dans la période de la crise postélectorale de 2011. Depuis, cette requête est restée sans suite.
Ce que suggéraient les rapports
Les conclusions des rapports de la CDVR et du CONARIV indiquaient des voies à suivre pour une réconciliation vraie et pour la paix. Le rapport final de la phase 5 du dialogue politique initié par le gouvernement avait également proposé l’indemnisation des victimes, le retour de tous les réfugiés dont Charles Blé Goudé, Soro Guillaume, la libération des détenus civils et militaires, le dégel des avoirs de certaines autorités politiques de l’opposition, le retour des réfugiés et exilés des crises de 2010 à 2020 et leur réinsertion socio-économique ; la nécessité de mettre fin aux entraves relativement au libre fonctionnement des partis politiques ; la mise en œuvre des libertés publiques, liberté de manifestation et accès aux médias d’Etat ; l’élargissement de l’ordonnance du 6 août 2018 portant amnistie aux personnes qui en avaient été exclues, notamment l’ex-Président Laurent GBAGBO, Charles Blé GOUDE et les Militaires ; le dégel des avoirs ; la libération des prisonniers politiques, civils et militaires des crises de 2010 et 2020 ; l’octroi du statut d’ancien Président de la République au Général Robert GUEI ; l’arrêt des poursuites judiciaires contre les personnalités politiques suite aux crises liées aux élections locales de 2018 et à l’élection présidentielle de 2020 ; la poursuite des discussions entre les Présidents Alassane OUATTARA, Henri Konan BEDIE et Laurent GBAGBO ;la mise en place d’un système de justice et de réparation pour les victimes des violences politiques ; l’organisation des assises nationales pour la paix et la réconciliation ; la réflexion sur le système judiciaire et la réconciliation nationale, voies et moyens de préserver la Justice des assauts politiciens ; le retour à un paiement plus régulier de la subvention aux partis et groupements politiques ; la revue de la carte nationale d’identité (coût, absence de filiation apparente, délais…) ; la sécurisation des opérations électorales pour garantir leur sincérité (violences électorales, destruction d’urnes et intimidation des électeurs) ; la révision du code électoral ; la recomposition de la CEI ; l’équilibre du découpage électoral. Jusque-là rien. Du moins pas des actes forts. Le retard observé dans la mise en œuvre de tous les points énumérés est-il lié au refus du chef de l’Etat de les appliquer ? Ouattara a–t-il choisi de froisser les résolutions ? Lors de sa cérémonie d’investiture le 21 mai 2011, le président Ouattara s’était pourtant engagé à favoriser la réconciliation dans le dialogue, la vérité et la justice. « Le temps est venu de renouer avec les valeurs profondes de notre belle Côte d’Ivoire et de rassembler les ivoiriens. Chères sœurs, chers frères, célébrons la Paix ; La paix sans laquelle aucun développement n’est possible. Mettons en pratique la devise de notre pays. L’Union qui sera le creuset de notre réussite », avait déclaré le président Alassane Ouattara devant les nombreux chefs d’Etat venus à son investiture à Yamoussoukro, au lendemain de la grave crise postélectorale de 2011.Or, le silence du régime après le rapport, les appels sans suite de Bédié et de Gbagbo semblent donner raison à tous ceux qui doutent encore de la volonté du régime d’aller effectivement à une vraie réconciliation. Après les rapports de la CDVR, du CONARIV restés dans les tiroirs de la Présidence de la République au plateau, celui de la phase 5 du dialogue politique sera-t-il de trop dans les tiroirs ? Doit-on lier par la non-application des différents rapports préparés à coût de millions de francs au refus ou la difficulté rencontré par le président Ouattara ? La pression est désormais du côté du régime. Les Ivoiriens regardent du côté de la présidence. Si la réconciliation doit être une réalité, cela dépendra en grande parti du palais. Si ce n’est pas le cas ils diront comme certains adversaires du régime, Ouattara a échoué dans la réconciliation des Ivoiriens.
Les sacrifices pour la paix de Laurent Gbagbo
Le régime du président Laurent Gbagbo parvenu au pouvoir en octobre 2000 a été attaqué le 19 septembre 2002 à la suite d’une rébellion armée qui a fait de très nombreux tueries dont le ministre de l’Intérieur Me Emile Boga Doudou et bien d’autres personnalités civiles et militaires. Malgré tout, Guillaume Kigbafori Soro, le chef de la rébellion, est devenu par la suite Premier ministre de Gbagbo. Il a été amnistié avec des personnes civiles et militaires dont ont été fait ministres sans que l’ex-président du RDR ne remette cela en cause parce qu’ils ont défiguré le pays. Pourquoi refuse-t-il à son tour d’accorder le pardon à celui qui fut son compagnon lors de leur présence au Golf hôtel sous le règne Laurent Gbagbo? Souhaitons simplement que le président Ouattara qui a accepté que son prédécesseur qu’il a souvent appelé son ‘’frère’’, qu’Henri Konan Bédié qu’il appelle son ‘’grand-frère’’, se montre attentif de tous ces appels de ceux de tout le peuple de Côte d’Ivoire en posant des actes forts allant dans le sens de la réconciliation véritable. La Côte d’Ivoire en a besoin ! Les échéances électorales approches. Tous les partis politiques sont déjà sur le terrain pour galvaniser leurs militants. Depuis le retour du multipartisme en 1990, le ministère de l’Intérieur qui organisait les élections et maintenant la commission électorale indépendante (CEI) a toujours été l’objet de contestation. Les présidents de la CEI et du conseil constitutionnel sont souvent soupçonnés de partie pris. Il faut s’asseoir pour s’accorder sur le minimum.
In Le Nouveau regard
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