Côte d’Ivoire-Interview/Konan KonanJean Louis (Directeur de Recherche er de l’innovation au CNRA): ”La Côte d’Ivoire n’aura plus besoin d’importer du sucre et du riz si…”

M. le directeur de la Recherche du CNRA, Peut-on inverser cette tendance au point de dire que ceux qui cherchent, on les trouve ?

C’est un dicton de l’un de nos illustres ministres d’alors ! Au niveau de la recherche en générale, cette tendance a changé il y’a bien longtemps dans notre pays. Au niveau de l’agriculture dans notre pays, la Côte d’Ivoire, le CNRA a beaucoup d’avancées sur beaucoup de pays. C’est grâce à la recherche agronomique mise en place depuis les années 60 par l’état de Côte d’Ivoire pour soutenir notre agriculture. En terme de résultat, la liste est très longue. Nous allons néanmoins vous parler de certaines grandes trouvailles des chercheurs dont la Côte d’Ivoire bénéficie.

Peut-on avoir quelques exemples des grandes découvertes des chercheurs du CNRA?

Nous sommes en train d’élaborer les acquis majeurs de la recherche agronomique de 1998 à nos jours (2023). Le cacao Mercédès, une découverte des chercheurs du CNRA, produit à partir de la 2ème année de plantation. La production cacaoyère peut aller entre 3 à 3,5 tonnes par hectare et par an. Ordinairement, le cacao ordinaire, qu’on trouve dans la nature, produit à partir de cinq voire six ans après plantation. Il donne une production de 0,5 tonne par hectare et par an. Le revenu du planteur à l’hectare de cacao Mercédès est multiplié par six, grâce à la recherche. Quand on prend la superficie nationale et la production nationale, on se rend compte de l’apport important de la recherche à la Côte d’Ivoire et aux producteurs de cacao. Pareil pour le café. Au lieu d’attendre 3 à 4 ans avant de produire, le café émergeant produit par les chercheurs du CNRA donne une production à partir de 18 mois. Ce qui donne une production allant de 0,9 ou 1 tonne à 3 tonnes par hectare et par an. L’un dans l’autre, il y’a du matériel végétal amélioré mis au point par la recherche aussi bien sur les grandes spéculations que sur les spéculations secondaires comme le maïs. Le maïs CNRA, avec un sac de 25 kilogrammes, vous réussissez à planter un hectare pouvant donner jusqu’à 4 tonnes.
Pour ce qui est du palmier à huile, il reste la volonté politique pour que la Côte d’Ivoire soit autosuffisante en huile. Nous avons reçu il y a quelques jours un conseiller de la Primature à qui j’ai indiqué que si c’est le matériel végétal, si c’est l’expertise, si c’est les itinéraires techniques, le CNRA en a dans ses tiroirs. C’est la volonté politique et les investissements qui attendent encore pour que la Côte d’Ivoire soit autosuffisante sur la grande partie de sa consommation de produits agricoles. Je lui ai donné l’exemple du riz, de la banane, du maïs, du manioc. Il était agréablement surpris d’entendre tout cela. Il a promis revenir.
Pareil pour le palmier, le cocotier. Nous avons reçu des envoyés du gouvernement Malgache qui ont décidé de replanter près de 5000 hectares de cocotiers. Dans leur recherche, ils ont découvert les recherches du CNRA. Ils sont venus établir des collaborations pour que le CNRA les accompagne afin de renouveler, de générer la cocoteraie dans leur pays. C’est tout le monde entier qui bénéficie de l’expertise du CNRA et de la Côte d’Ivoire.

Parlons de l’exportation de votre expertise, est-ce que les différents résultats que vous avez glanés çà et là dans vos recherches agronomiques, profitent-ils à la Côte d’Ivoire et comment ça impacte le monde agricole ?

Je répète, s’il y’a la volonté politique, d’ici deux ans, la Côte d’Ivoire deviendra autosuffisante en riz. Avec Africa’ris à Bouaké, ADRAO en son temps, des variétés de riz avaient été développés pour les zones de plateau, les bas-fonds, la riziculture irriguée. Les différentes variétés qui donnent un grand rendement sont disponibles. On avait, en son temps, fait l’inventaire des superficies de bas-fonds que la Côte d’Ivoire a. ça nous permettait, en moins de deux ans, d’être autosuffisant en riz. Ces bas-fonds ont besoin d’être aménagé. Il faut les appuyer pour que le CNRA produise suffisamment de semences pour planter ses superficies. Il faut payer quelques équipements. L’état mobilise des milliards de francs CFA pour que d’ici deux ans, la Côte d’Ivoire réduise jusqu’à 40%, l’importation du riz. Et pourtant, avec 1,2 milliards de francs CFA mis à la disposition du CNRA, nous assurons la pérennité de la disponibilité en semence de riz. Pour que nous aménageons nos baffons et les équiper pour fournir du riz aux producteurs du riz en Côte d’Ivoire afin que nous soyons autosuffisants en riz. Pareil pour le maïs, le manioc, … Tous les projets sur les produits que je viens de citer sont dans nos tiroirs. (…).

Les résultats de vos recherches sont mis à la disposition des autorités. L’interaction entre le CNRA et les autorités Ivoiriennes est-elle dynamique ?

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C’est dynamique mais ça besoin de l’être davantage. Pour l’élaboration de nos programmes de recherche, on a les lignes directives tracées par l’état. On a les préoccupations des différentes filières agricoles. On transforme leurs besoins en projet, leurs problèmes en projets de recherche et on trouve les solutions. L’état a organisé de tel sorte qu’il y’a le CNRA. On conduit la recherche agronomique. L’Anader à qui on doit donner les résultats de nos recherches, et qui fait la promotion. C’est ce petit cordon entre l’Anader et le FIRCA qui font que beaucoup de résultats restent encore méconnus. On peut faire quelques de vulgarisation en terme de publication scientifique, en terme de fiche technique qu’on produit pour mettre à la disposition des demandeurs, en terme de formation mais la structure qui à la mission publique d’informer les producteurs c’est bien l’Anader. Nous devons les former. A leur tour, ils doivent couvrir toute la Côte d’Ivoire, tous les producteurs pour leur dire, si vous voulez faire du riz, voilà où trouver la semence, voilà ce qu’il faut faire. C’est à ce niveau que je pense, ce n’est pas encore bien huilé. J’espère que les responsables des deux structures vont apporter des améliorations pour que le maximum d’Ivoiriens en agriculture soit informé des résultats du CNRA.

Vous avez évoqué dans vos propos les résultats de plusieurs produits dont le riz, le manioc, le maïs (…). Et le cocotier ?

Le cocotier est comme ma tasse de thé. Je suis le spécialiste sur le cocotier. Notre pays a d’énormes atouts que certaines spéculations tel que le cocotier sont rentrées à l’abandon. On l’appelle partout, l’arbre de vie, l’arbre aux multiples visages, l’arbre de tous les bons noms. En Côte d’Ivoire, ce ne serait-ce que sur le littorale, on n’encourage pas les producteurs à cultiver le coco. On est sur le palmier, sur l’hévéa, sur le cacao, sur le café. Quand vous prenez le cocotier, toutes les parties sont transformées. Toutes les parties du cocotier, avec un petit niveau de transformation, peuvent servir dans les familles.
J’ai rédigé un projet qui, en son temps, devait être financé par la banque Africaine de développement (BAD), pour qu’on régénère et on valorise la filière cocotier. C’était en 2002. On vient de le réchauffer. Si on met 89 milliards de francs de F CFA, à partir de la quatrième année, la Côte d’Ivoire n’aura plus besoin d’importer du sucre. A partir de l’inflorescence du cocotier, vous récoltez ce qu’on appelle le jus d’inflorescence. Ce jus est tellement sucré qu’on peut le transformer en sucre. Une inflorescence peut donner 10 kilogrammes de sucre. Un arbre fait entre 11 et 15 inflorescences par an. Dans un hectare de cocotier, il y’a 160 pieds de cocotiers. Equivalent à environ 17000 à 24.000 kilogrammes de sucres par an et par hectare. (…). On peut aussi faire du charbon actif avec la coque de cocotier. On peut faire des balaies, des fauteuils de voitures, etc. Avec l’amande de coco on peut faire de l’huile vierge.
On investit 89 milliards de francs au bout de dix ans, on fait un bénéfice net de 7.600 milliards de francs.
Pour la petite histoire, j’étais encore sur le programme de recherche à Port-Bouët. Lors de ma 3ème visite en Asie, je me suis rendu compte que le cocotier est très prisé en Asie et pourtant en Côte d’Ivoire on s’intéresse à peine au cocotier. Ce projet de production de sucre m’a capté. Durant mon séjour au pays du soleil levant, aucun Asiatique n’a voulu me montrer la technique de production. De retour au pays, j’ai fait la recherche avec docteur Ekoma. Au départ, certains de nos dirigeants que j’ai approchés ont engagé des financements. Nous sommes partis de petits financements pour aboutir à la mise au point du protocole pour la production de sucre.

Parlant du sucre issu de l’inflorescence du cocotier, il semble que ce sucre a des vertus qui permettraient d’éradiquer le diabète. Vous confirmez ?

Oui, oui ! Contrairement au sucre que nous consommons d’habitude, le sucre issu de l’inflorescence, en plus d’être énergétique avec la vitamine C, contient des produits phénol, de la vitamine B 12. C’est un sucre nutritif. Mieux, l’indice glycémique est en dessous des sucres que les diabétiques consomment. En dessous de 35. Si vous faites un produit avec le sucre de coco, un diabétique peut consommer. Dans le projet que nous sommes en train de mettre en place, le premier résultat important est que les variétés que nous allons utiliser déterminera leur indice glycémique.

La banane, le riz, le manioc (…) sont des produits beaucoup consommés en Côte d’Ivoire. Le hic, le pays externe une quantité importante de riz. Que faites-vous pour que le pays soit autosuffisant en riz, en banane ?

Parlant de la banane, le problème se situe au niveau de la période de carence où la banane manque sur le marché, où le bananier ne produit pas pour des problèmes d’eau. Le CNRA a mis au point la banane de contre saison. Lors d’une rencontre à Paris (France) où était également le ministre Kobena Adjoumani, j’ai présenté la technique de banane de contre saison. Il faut régler la période de manque de banane. Cela passe par le règlement de la quantité de semence, de rejets de banane à produire, la solution du CNRA. Avec un laboratoire de production de vivo plants en permanence, on aura du matériel végétal. Si on plante de telle période à telle période, avec les producteurs existant en Côte d’Ivoire, on aura la banane sur toutes les périodes de l’année.
S’agissant du riz, on a déjà les variétés. Le CNRA, en utilisant son site de Gagnoa et de Man, est à mesure de produire suffisamment de semence de base et de pré base. Il faut installer quelques multiplicateurs pour la production de semences certifiées que le CNRA peut encadrer avec l’Anader pour la certification. Une fois ces multiplicateurs de semences sont installés, il faut encourager les gens pour produire le riz. Les bas-fond ont été déjà cartographiés. Si on leur donne la semence, on leur achète le produit (…), c’est tout une volonté politique et de moyens.

Réalisée par  Le Nouveau Regard

 

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